Un homme pareil aux autres de René Maran au prisme des études génétiques

  1. Blasi, Laura Gauthier 1
  2. Harpin, Tina 2
  1. 1 Universidad Europea de Madrid
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    Universidad Europea de Madrid

    Madrid, España

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  2. 2 University of French Guiana
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    University of French Guiana

    Cayena, Guayana Francesa

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Revista:
Continents manuscrits

ISSN: 2275-1742

Año de publicación: 2021

Tipo: Artículo

DOI: 10.4000/COMA.7309 GOOGLE SCHOLAR lock_openAcceso abierto editor

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Resumen

Un homme pareil aux autres de René Maran est un roman connu pour son intrigue amoureuse et son inspiration autobiographique. Mais c’est aussi un texte qui a été constamment réécrit des années 1920 jusqu’à sa version définitive en 1947 aux éditions Arc-en-ciel. Ce roman a connu plusieurs vies imprimées et plusieurs titres depuis la parution d’un extrait du Roman d’un nègre dans la revue Je sais tout du 15 novembre 1924, l’édition de Journal sans date dans la revue littéraire Œuvres libres en juin 1927 puis celle de Défense d’aimer dans la revue les Feuillets littéraires d’Arthème Fayard en 1932. Le travail de réécriture visible entre les versions imprimées et l’accès aux manuscrits de l’auteur invitent à une réflexion sur l’œuvre d’un point de vue génétique. Cet article se propose de faire un point sur l’histoire du texte en présentant un dossier génétique constitué de manuscrits non datés et que nous avons tenté de classer.

Referencias bibliográficas

  • 1 René Maran, Un homme pareil aux autres, Paris, éditions Arc-en-ciel, 1947.
  • 2 Voir les travaux de l’historienne Anne-Marie Sohn sur l’amour, la sexualité et la correspondance au xxe siècle, et son entretien accordé à L’Express le 8 août 2002, « Les années folles par Anne-Marie Sohn », https://www.lexpress.fr/culture/livre/7-les-annees-folles-par-anne-marie-sohn_818091.html, consulté le 23 juillet 2021.
  • 3 Nous pouvons lire dans Un homme pareil aux autres (op. cit., p. 33) : « Cependant Coulonges inventorie nos souvenirs d’enfance et de jeunesse. Le lycée de Talence, celui de Bordeaux, les professeurs que nous y avons eus, les matches de rugby que nous avons joués un peu partout, sous les couleurs du Sport Athlétique Bordelais. Il tire tout ça du passé, l’anime et le fait défiler devant mes yeux. » ou encore (op. cit., p. 226 et 227) : « Qui dira le désespoir des petits pays chauds que leurs parents implantent en France trop tôt, dans le dessein d’en faire de vrais Français ? Ils les internent du jour au lendemain en un lycée, eux, si libres et si vivants, “pour leur bien”, disent-ils en pleurant. J’ai été de ces orphelins intermittents et souffrirai toute ma vie de l’avoir été. A sept ans, on a confié mon enfance scolaire à un grand lycée triste, situé en pleine campagne. Je revois le parc ou foisonnaient les pins, les sapins, les marronniers, les acacias, les bouleaux et les chênes. »
  • 4 On note un écho à l’excipit de Batouala (« Dors… Dors… ») au dernier chapitre de la première partie du roman (« Dors pauvre homme, dors »). Il est vrai que le trope du sommeil n’est pas à sous-estimer dans Un Homme pareil aux autres. Plus intéressant, le poème sans titre qui commence par « Quand on aime, il ne faut rien dire » qui apparaît à partir de Journal sans date en 1927 (chapitre X, avant-dernier de la première partie) jusqu’à la version finale du roman (chapitre IX qui clôt la première partie). Ce poème est attribué à Jean Veneuse qui l’a composé durant une promenade, or il est signé de René Maran et fut publié en 1958 dans Le Livre du Souvenir, poèmes, 1909-1957 (Paris, Présence africaine, p. 65). La question qui se pose est la suivante : était-il inédit en 1927 lors de sa parution dans Journal sans date ou était-ce une reprise et une autocitation d'un poème publié antérieurement ?
  • 5 Lourdes Rubiales, « Un dandy noir entre Bordeaux et l’Oubangui-Chari (1909-1921) », Les Lettres romanes, vol. 70, n° 1-2, 2016, p. 159-181.
  • 6 Au moment de la publication de la version définitive du roman en 1947, la décolonisation n’a pas commencé en Afrique dans les possessions françaises.
  • 7 Almuth Grésillon, Éléments de critique génétique. Lire les manuscrits modernes, Paris, CNRS Éditions, 2016.
  • 8 Almuth Grésillon considère que les manuscrits sont « non seulement le lieu de la genèse de l’œuvre, mais aussi un espace où la question de l’auteur peut être étudiée sous un nouvel éclairage : comme lieu de conflits énonciatifs, comme genèse de l’écrivain » (op. cit, p. 33). Au terme « conflit » qui met en avant l’idée d’un affrontement dans l’espace créatif, nous préférons celui de concept de négociation qui renverrait plutôt à une réflexion sur le sens, la forme, les choix impliqués dans le processus créatif pour parvenir à un but littéraire.
  • 9 Vladimir Maïakovski, Comment écrire des vers, Paris, les Éditeurs Français Réunis, 1957, p. 344 : « actuellement l’essence même du travail sur la littérature ne réside pas dans un jugement des choses déjà faites […], mais plutôt dans une juste étude du processus de fabrication. » Cité par Almuth Grésillon (op. cit., p. 16).
  • 10 Manoel Gahisto, « La genèse de Batouala », Hommage à René Maran, Présence Africaine, 1965, p. 94.
  • 11 Nous remercions vivement Roger Little pour sa disponibilité et pour les échanges très précieux que nous avons pu avoir avec lui sur Un Homme pareil aux autres et sur l’œuvre et la correspondance de René Maran. Nous remercions aussi Xavier Luce, Mbaye Gueye et tout particulièrement Charles Scheel et Claire Riffard pour leur relecture de cet article, amélioré grâce à leurs conseils et suggestions.
  • 12 Lourdes Rubiales, « René Maran et l’écriture du Moi », L’Autobiographie dans l’espace francophone, vol. II – L’Afrique, édité par Inmaculada Díaz Narbona, Cadix, Universidad de Cádiz, 2005, p. 53-83.
  • 13 Roger Little, « Le Roman d’un nègre à la recherche d’un titre », Présence Africaine, n° 187-188, 2013, p. 167-174.
  • 14 Buata Malela, « Authenticité et réécriture de soi dans Journal sans date / Un homme pareil aux autres de René Maran », René Maran : une conscience intranquille, édité par Roger Little, Lecce, Interculturel Francophonie, 2018, p. 159-182.
  • 15 Nathanaël Pono, Explorer l’atelier épistolaire : étude de correspondance d’écrivains, mémoire de maîtrise en études littéraires, 2015, Université de Laval, https://archipel.uqam.ca/8001/1/M14048.pdf.
  • 16 Alain Pagès, « Correspondance et genèse », Leçons d’écritures : ce que disent les manuscrits, dirigé par Michaël Werner et Almuth Grésillon, Paris, Lettres modernes Minard, 1985, p. 207-214.
  • 17 Voir José-Luis Diaz, « Quelle génétique pour les correspondances ? », Genesis, n° 13, 1999, p. 11-31 (https://www.persee.fr/doc/item_1167-5101_1999_num_13_1_1115) ; Loïc Chotard, « La lettre violée », Genesis, n° 13, 1999, p. 45-52 (https://www.persee.fr/doc/item_1167-5101_1999_num_13_1_1117) ; Mireille Sacotte, « Une lettre et son devenir. (Dialogue entre une lettre d’Alexis Léger et une lettre de Saint-John Perse) », Genesis, n° 13, 1999, p. 33-43 (https://www.persee.fr/doc/item_1167-5101_1999_num_13_1_1116).
  • 18 René Violaines, « Mon ami René Maran – Sa vie et son œuvre à travers ses lettres et mes meilleurs souvenirs », dans Hommage à René Maran, Présence Africaine, 1965, p. 15.
  • 19 La correspondance avec Charles Barailley provient de la Bibliothèque de Bordeaux. Les lettres citées ont été numérisées par la plateforme Manioc, des SCD de l’université des Antilles et de l’université de Guyane.
  • 20 Sur les correspondances de René Maran avec Charles Kunstler et Manoel Gahisto, voir Charles Kunstler, « Le cœur, l’esprit et la raison » (p. 43-67), et Manoel Gahisto, « La genèse de Batouala » (p. 93-155), dans Hommage à René Maran, Présence Africaine, 1965.
  • 21 Charles Kunstler, « Le cœur, l’esprit et la raison », dans Hommage à René Maran, Présence Africaine, 1965, p. 51, dans Lourdes Rubiales, « René Maran et l’écriture du Moi », L’Autobiographie dans l’espace francophone, vol. II – L’Afrique, édité par Inmaculada Díaz Narbona, Cadix, Universidad de Cádiz, 2005, p. 58 (note de bas de page).
  • 22 La correspondance de René Maran avec Albin Michel vient du fonds privé Albin Michel tout comme celle de René Maran et Charles Johnson.
  • 23 Cette correspondance avec Léon Bocquet est citée par Roger Little dans son article « Le Roman d’un nègre à la recherche d’un titre », art. cit., p. 168
  • 24 Cette correspondance avec Félix Éboué est citée par Roger Little dans son article « Le Roman d’un nègre… », art. cit., p. 168
  • 25 René Violaines, « Mon ami René Maran », dans Hommage à René Maran, p. 26, cité par Roger Little, « Roman d’un nègre à la recherche d’un titre », art. cit., p. 169.
  • 26 Roger Little, « Le Roman d’un nègre… », art. cit., p. 169.
  • 27 Pour une histoire plus détaillée et réactualisée des titres attribués à l’œuvre, manuscrite et imprimée, voir l’article de Roger Little dans le présent dossier : « Le Roman d’un nègre à la recherche d’un titre suivi d’un post-scriptum, dix ans après ».
  • 28 René Violaines, « Mon ami René Maran. Sa vie et son œuvre à travers ses lettres et mes meilleurs souvenirs », dans Hommage à René Maran, Présence Africaine, 1965, p. 31-32. Il est aussi question de ce devoir social dans d’autres lettres à René Violaines comme celle du 1er janvier 1948 : « Le silence dont la presse a entouré mon dernier ouvrage me prouve plus que tout la gravité du mal que je dénonce. Ce silence, s’il m’a étonné pendant quelques mois, ne m’étonne plus. Il est le digne pendant, si vous me permettez de m’exprimer ainsi, des clameurs poussées autour de Batouala. On a essayé d’anéantir la portée de celui-ci en le noyant de huées. On croit étouffer Un homme pareil aux autres en négligeant volontairement d’en parler. » On lit aussi dans une lettre à Frédéric Jacques Temple du 5 avril 1948 (« Six lettres inédites de René Maran à Frédéric Jacques Temple. Autour d’Un homme pareil aux autres », Présence Africaine, 2013, 1-2, n° 187-188, p. 175-182) : « Quant à mon Homme Pareil aux Autres, j’en ai depuis longtemps pris mon parti. Ou les différentes parties qui s’entre-dévorent sur le dos de notre pays ont entendu, en n’en parlant pas, me punir de mon non-conformisme, ou le silence qui a été observé à son sujet est-il la pire des manifestations racistes. Dans un cas comme dans l’autre, cette attitude “autruchienne” est une faute, comme aurait dit Talleyrand. Certes, mon roman n’est pas un chef-d’œuvre ! Nul ne le sait mieux que moi. Mais il est l’œuvre d’un Français de couleur de bonne volonté, et qui, malgré tout ce qu’on a pu dire ou écrire de lui, n’a jamais versé dans l’européanophobie. À preuve ce que je dis de mes congénères dans tous mes ouvrages, même dans Un Homme Pareil aux Autres. Au fond, peu importe. L’essentiel est de faire, seul parfois contre tous, son devoir social. Travailler de son mieux, à son rang, à sa place, selon son intelligence, telle est la règle du jeu. »
  • 29 En réalité, René Maran sera déçu par le silence assourdissant entourant la publication de 1947 d’Un homme pareil aux autres, et l’interprète même comme du racisme, voir sa lettre du 5 avril 1948 à Frédéric Jacques Temple citée ci-dessus.
  • 30 Pour une approche plus fine des enjeux sociaux et éthiques de l’œuvre, lire notre article sur « La représentation des femmes dans Un homme pareil aux autres, au prisme de l’étude génétique » dans le présent dossier.
  • 31 Almuth Grésillon, Éléments de critiques génétiques. Lire les manuscrits modernes, Paris, CNRS Éditions, 2016, p. 286.
  • 32 Un manuscrit est un document écrit à la main. Par extension, on y inclut parfois des documents dactylographiés ou imprimés. Un tapuscrit ou dactylogramme est le texte dactylographié, généralement vers la fin de l’élaboration textuelle (généralement manuscrite), qui peut être réalisé par l’auteur ou une autre personne. (Voir Almuth Grésillon, op. cit., p. 286, 288 et 290 pour les définitions de dactylogramme, manuscrit et tapuscrit respectivement)
  • 33 Almuth Grésillon, op. cit., p. 142.
  • 34 Almuth Grésillon, op. cit., p. 143.
  • 35 Roger Little note qu’« il est curieux de constater que malgré la publication du roman sous son titre définitif en 1947, Maran soumet à Albin Michel peu avant sa mort un manuscrit (remanié ?) toujours intitulé Le Roman d’un Nègre et que c’est toujours ainsi qu’il évoque son ouvrage ». (« Le Roman d’un nègre à la recherche d’un titre », art. cit., p. 170). Dans un email daté du 13 mars 2020 à Tina Harpin, Roger Little indique qu’il n’a « pas consulté le manuscrit de la version remise dans les années 1950 et ne sai[t] pas où il est conservé ».
  • 36 Voir la lettre du 5 avril 1948 dans « Six lettres inédites de René Maran à Frédéric Jacques Temple. Autour d’Un homme pareil aux autres », art. cit.